Ayant récemment observé que la connaissance de l’action du bicarbonate sur les acides intéressait beaucoup mes amis cuisiniers, je viens de comprendre que la compréhension de la fusion des corps peut également être très utile, en pratique.
Commençons par des observations expérimentales : de l’huile est liquide à la température ambiante, mais si on la met au congélateur, elle devient solide, elle "congèle". L’huile, c’est un ensemble de composés de la famille des triglycérides. Il y en a beaucoup de différents, mais ils se ressemblent tous un peu.
D’autre part, l’eau est liquide à la température ambiante, mais quand elle refroidit, elle congèle, devient solide. Cette fois l’eau est faite exclusivement de molécules toutes du même type, qui sont des molécules d’eau.
Pourquoi ces comportements, ces changements de consistance en fonction de la température ?
Comme le cas de l’eau est le plus simple, commençons par lui : les molécules d’eau sont de petits objets qui bougent en tous sens et dont la vitesse augmente avec la température.
D’ailleurs, la température c’est exactement ça : la vitesse des molécules d’un corps.
Et quand les molécules d’eau ralentissent parce qu’on refroidit l’eau, alors les forces qui font coller les molécules entre elles sont suffisantes pour les garder ensemble, et cela fait un solide ; il n’y a plus assez d’énergie pour quitter le solide, pour partir faire de l’eau liquide.
Pour les matières grasses, notamment les triglycérides, il en va de même, mais les forces qui font coller les molécules entre elles sont différentes, plus faible, de sorte que la solidification se fait à d’autres températures que celle de solidification de l’eau.
Mais j’ai dit que les huiles étaient des mélanges de triglycérides différents, et c’est bien ce qu’on voit quand on refroidit une huile : à une certaine température, quand on refroidit, on voit un solide apparaître dans la bouteille d’huile. Ce solide est fait des molécules de triglycérides qui collent le plus.Si l’on refroidit davantage, on a davantage de solide, parce que d’autres triglycérides se mettent à solidifier, et ainsi de suite.
Passons maintenant à un corps gras comme le chocolat, ou, si l’on veut simplifier, le beurre de cacao : il est solide à la température ambiante alors qu’il est également fait de triglycérides, mais de triglycérides particuliers qui collent plus que ceux l’huile en quelque sorte.
Si l’on chauffe, la masse se liquéfie.
Ce qui est intéressant, c’est de faire des mélanges : on peut facilement faire l’expérience de mélanger du beurre de cacao avec de l’huile, ce qui est un peu ce que font les pâtissiers quand ils font fondre du chocolat et qu’ils y ajoutent du beurre, car je ne l’ai pas dit encore, mais voici l’information : le beurre, à part les 20 pour cent d’eau qu’il peut contenir, est fait de triglycérides, et ces triglycérides sont plus fusibles que ceux du beurre de cacao, de sorte que la masse totale devient plus souple.
C’est la raison pour laquelle, pour travailler du chocolat, disons du beurre de cacao, l’ajout de beurre est bienvenu.
Mais on comprend qu’on aurait pu aussi ajouter de l’huile. Le goût n’est pas le même et le coût non plus point, mais le comportement est identique.
Je crois qu’il ne fera pas utile inutile de le dire à mes amis cuisiniers et pâtissiers. J’ajoute pour terminer qu’il y a également beaucoup de triglycérides dans le fromage, le foie gras, etc.