Pourquoi les chouquettes gonflent-elles alors qu’elles ne contiennent ni levure ou poudre à lever ni blanc d’œuf ?
Les chouquettes, comme les petits choux, comme les soufflés, et bien d’autres préparations, gonflent à la cuisson, c’est un fait. La question est "pourquoi gonflent-ils ?".
Par le passé, on disait que c’était l’oeuf qui faisait souffler, mais l’explication est mauvaise. Pour s’en convaincre, il suffit de peser un soufflé (ou un chou) avant et après cuisson : on voit qu’un soufflé de 100 grammes perd environ 10 grammes. Dix grammes de quel matériau ? D’eau, puisque, de tous les ingrédients du soufflé (farine, beurre, protéines, eau), l’eau est le seul qui puisse s’évaporer.
Or un gramme d’eau qui s’évapore fait environ un litre de vapeur. Quand cette vapeur est formée à la base de la préparation (le chou sur la plaque à four, par exemple), alors cette vapeur pousse vers le haut les couches qui sont sur le dessus... et c’est cela, le gonflement.
Pour les soufflés, il était écrit, dans la version 1984 du Larousse gastronomique, que les soufflés gonflaient en raison de la dilatation des bulles d’air, mais j’ai (H. This) démontré en 1988 que les soufflés gonflaient par évaporation de l’eau de l’appareil. Et nous avons même tenu un "séminaire de gastronomie moléculaire" où nous avons fait gonfler des soufflés sans battre les blancs d’oeufs en neige, seulement en cuisant les soufflés par le dessous.
Le rôle de l’oeuf ? En coagulant, il fait tenir la préparation gonflée. Le truc, pour obtenir un objet durablement gonflé, consiste donc à chauffer par le fond, provoquer le gonflement, puis ensuite seulement rigidifier la structure par coagulation de l’oeuf.
Ce matin, une question, par des élèves qui doivent faire un travail personnel encadré (TPE) :
Est ce qu’il y a une émulsion dans la mousse au chocolat traditionnelle ? Nos recherches sont contradictoires et nous aimerions avoir une réponse exacte. Si il y en a une, pouvez vous nous spécifier entre quels ingrédients.
Lisons. On me parle d’une "mousse au chocolat traditionnelle"... mais de quoi s’agit-il ? Une mousse au chocolat, c’est une mousse à laquelle on a donné le goût du chocolat ! Et l’on peut en imaginer beaucoup :
un blanc d’oeuf battu en neige (une mousse) que l’on mêle à du chocolat fondu
un blanc d’oeuf battu en neige, et sucré (toujours une mousse, mais plus stable que la précédente) auquel on ajoute du chocolat
les mêmes, mais au lieu de chocolat fondu, on ajoute de la poudre de cacao
les mêmes que les deux premiers, mais on fond du beurre en même temps que le chocolat
les mêmes que le précédent, mais on ajoute du jaune d’oeuf
les mêmes que tous, mais avec en plus une pincée de sel, un peu de vanille, du rhum...
de la crème fouettée que l’on mêle à du chocolat fondu
de la crème Chantilly (de la crème fouettée que l’on sucre) que l’on mêle à du chocolat fondu
et j’ai encore plein d’idées...
Alors ? Laquelle ? Le mot "traditionnel" signifie en français "qui est dans la tradition", de sorte qu’il faudrait aller chercher une recette dans des livres de cuisine. Lesquels sont "traditionnels" ?
Je laisse la question en suspens, en me référant plutôt à une recette "professionnelle" qui fait usage de :
250 g de chocolat à cuire
100 g de beurre
4 jaunes d’oeufs
6 blancs d’oeufs
40 g de sucre.
Le protocole est le suivant :
concasser le chocolat
le mettre dans un bain à sauce, le fondre doucement
incorporer le beurre, mélanger jusqu’à consistance de pommade
hors du feu, ajouter les jaunes, mélanger
monter les blancs d’oeufs en neige
incorporer le sucre en poudre, serrer les blancs
verser l’appareil sur les blancs montés sucrés et mélanger à la corne.
Pour ceux qui sont intéressés, on pourra consulter : http://www.agroparistech.fr/Les-seminaires-2013-2014.html
Pour interpréter cette recette, je propose d’utiliser le "formalisme des systèmes dispersés" (DSF, voir : https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=FIPDESMOLECULARGASTR&curdirpath=/docs%20HTHIS, ou, en français, le livre "Mon histoire de cuisine", par H. This, aux éditions Belin).
Pour commencer, on part de chocolat. A basse température, la formule de ce dernier est S1/S2, où S1 désigne les grains de sucre dispersés dans le chocolat, où "/" désigne une dispersion aléatoire, et où S2 désigne la matière grasse du chocolat (beurre de cacao).
Quand on fond cette matière, la matière grasse fond, et l’on récupère un système de type "suspension dans l’huile" (on désigne par "huile" toute matière grasse fondue), de formule S1/O1.
Puis, quand on ajoute du beurre, ce dernier, qui était initialement du type (W1+O2)/S3, fond, libérant l’eau, qui, sans doute, vient dissoudre le sucre, ce qui produit probablement un système de type W2/O3, où O3 désigne la matière grasse fondue faite du mélange de la matière grasse laitière fondue et du beurre de cacao fondu. L’ajout de jaune d’oeuf ne change pas notablement ce système, car le jaune apporte 50 % d’eau, 15 % de protéines et 35 % de matières grasses.
D’autre part, en battant le blanc d’oeuf (solution de protéines dans 90 % d’eau, de formule W3), on obtient une mousse : G/W3.
Vient alors l’opération qui consiste à mêler la mousse G/W3 et la suspension dans l’huile W2/O3. Là, je fais l’hypothèse que la mousse vient se disperser dans une phase aqueuse continue : 03.
Dans cette phase continue, on trouve des "particules de mousse" (G/W3), visibles à l’oeil nu en début de préparation, invisibles ensuite, et du sirop W3. Toutefois la mise au froid conduit la matière grasse O3 à solidifier un peu : une partie cristallise, et c’est là que se produit la plus grosse incertitude : le réseau cristallin est-il continu, ou bien l’huile qui reste l’est-elle, ou bien a-t-on deux phases continues ?
Dans la première hypothèse, on aurait (W2+(G/W3)+O4)/S4.
Dans la deuxième hypothèse, on aurait (W2+(G/W3)+S4)/O4
Dans la troisième hypothèse, on aurait (W2+(G/W3))/(O4xS4).
Finalement, la question de la présence d’une émulsion s’est compliquée... mais pourquoi se laisserait-on aller à dire des choses fausses ?