Le blog de Hervé This : http://www.agroparistech.fr/1-A-propos-de-ce-blog.html->http://www.agroparistech.fr/1-A-propos-de-ce-blog.html]
Évidemment, on se serait attendu à ce que je pose la question inverse, tant nous sommes contaminés par une idéologie anti-additifs que je dénonce formellement (sans être "vendu" à l’industrie qui fait ces produits ; je le dis par avance, tout en sachant que les "anti" n’hésiteront pas à brandir cet argument faux).
Mais je ne veux pas discuter la question de l’innocuité, de la toxicité ou des bienfaits des additifs, car je crois la discussion bien inutile en quelques mots, et que je sais que l’on ne peut pas convaincre ceux qui ne veulent pas être convaincus. Un discours même fondé qui s’oppose à des croyances n’est pas entendu, de sorte que l’on perd son temps à le tenir.
Je veux surtout discuter ici de la question du « plus », « le plus » : quand peut-on dire qu’un produit est plus ou moins toxique qu’un autre ?
Quand on considère la toxicité des produits et composés alimentaires, on observe immanquablement que le débat est impossible, car on est conduit à comparer des choses ne sont pas comparables. Par exemple certains composés sont cancérogènes, ce qui ne signifie pas qu’ils donneront un cancer à tout coup, mais que le risque de cancer sera augmenté. Or le risque est quelque chose de bien difficile dans la mesure où il est probabiliste et que l’on sait très bien, par exemple, qu’une pièce de monnaie lancée peut tomber dix fois de suite sur pile. D’autres composés provoqueront des atteintes rénales, des diarrhées, des vomissements, etc. Toute la gamme y passe, mais comment classer les dangers ? Bien sûr, il y a des cas évident, telle la consommation de ciguë qui nous envoie immédiatement au tombeau… à cela près que l’on peut se demander si de très petites concentrations ne seraient pas inoffensives, voire bénéfiques (je m’empresse d’ajouter que je déconseille absolument de faire le test !). Il y a d’autres cas où il ne faut pas s’alarmer excessivement, et nos populations actuelles ont une espérance de vie qui continue d’augmenter, malgré la consommation de basilic et d’estragon, qui conduit à absorber du méthylchavicol, ou la consommation de noix muscade, qui conduit à absorber de la myristicine.
Considérons les choses de façon plus abstraite, en marquant des axes pour les différents dangers : un axe pour les atteintes rénales, un axe pour les cancers, un axe pour les vomissements, etc. Un aliment, un ingrédient, un composé, auront une toxicité seront représentés par un point dans cet espace à plus de trois dimensions. Pour autant, que serait la "toxicité représentée par un seul nombre" ? La distance par rapport au centre ? Cela n’a guère de sens car il faudrait pouvoir comparer des toxicités qui sont bien différentes.
Bref, la comparaison est une chose bien difficile, en toxicologie !