Il y a déjà longtemps, j’avais proposé les « gibbs », qui sont des « émulsions gélifiées chimiquement », expression peu engageante pour désigner des objets pourtant très étonnant, où une émulsion, salée ou sucrée, est stabilisée par une cuisson.
En pratique de laboratoire, il s’agissait de prendre de l’eau, d’y ajouter des protéines susceptibles de coaguler (ou tout autre composé qui peut faire un « gel chimique », analogue au blanc d’oeuf), de fouetter de l’huile afin d’obtenir une émulsion de type huile dans eau (ce que j’ai nommé un « geoffroy ») ; puis on passe l’émulsion au four à micro-ondes, et la coagulation des protéines stabilise définitivement l’émulsion, qui est prisonnière d’un gel.
En cuisine, l’eau doit avoir du goût, et l’huile aussi, ce qui signifie que l’on utilisera du vin, du bouillon, le jus d’un fruit, une infusion... et, d’autre part, de l’huile (colza, noisette, olive, sésame, café, noix...) ou de la matière grasse fondue (chocolat fondu, fromage fondu, foie gras fondu)...
Bref, le gibbs est une vieille histoire, mais j’avais oublié de présenter « grahams », qui sont facilement dérivés des gibbs. Imaginons que nous placions un gibbs à l’étuve, pas trop chaude : juste de quoi évaporer l’eau qui disperse l’huile, pour faire l’émulsion. On obtient alors de l’huile solidifiée, avec une très petite quantité de matière solide pour faire tenir le « gel d’huile » : il suffit d’environ un pour cent de produit gélifiant en masse, sachant que ce produit gélifiant (par exemple, des protéines d’oeuf) n’a pas de goût. Autrement dit, on aura le goût pur de l’huile utilisée, mais sous la forme solide. D’ailleurs, on peut parfaitement parfumer l’huile.