Imaginons que nous mesurions, en fonction du temps, une grandeur qui est égale à 10 avec une fluctuation de un millième. Il y a plusieurs façons de représenter cette mesure, assortie de sa variation. Par exemple, on peut tracer un graphe où l’abscisse est le temps et où l’ordonnée représente la mesure, entre 0 et 11. On peut aussi afficher la variation entre 9 et 11. On peut aussi tracer un graphe où cette variation est entre 0 et 1000…
Le choix de la représentation est évidemment important, puisqu’il détermine l’effet que le graphe aura sur nos interlocuteurs. Si nous représentons entre 9 et 10, ou mieux entre 9.9 et 10.1, alors nous montrerons surtout la variation. Mais si nous affichons la grandeur entre 0 et 12, nous montrerons la constance du signal. Et, évidemment, si nous montrons la variation entre 0 et 1000, alors nous ferons penser que le signal est très petit, et que sa variation est inexistante, voire insignifiante.
Dans toutes nos affaires de bonne pratique, il y a la question de la bonne et de la mauvaise foi, et les bonnes pratiques visent évidemment à aider des scientifiques être non seulement de bonne foi, mais, de surcroît, à éviter que l’on puisse penser qu’ils puissent être de mauvaise foi.
Il y a donc lieu de faire des choix très clairs, lors de la représentation des données, et d’éviter de laisser penser à nos amis autre chose que les faits.
Pour autant, on a vu que le diable est caché derrière la représentation et l’on s’en convaincra en lisant ou en relisant ce livre désormais classique : The visual display of quantitative information (Edward R. Tufte, Graphic Press, 2001).
Dans le cas considéré ci-dessus, la bonne pratique consiste à recommander l’honnêteté, la clarté des choix de représentations, et peut-être mieux, l’explicitation de ces choix, car elle montrera parfaitement que l’on cherche à pas à influencer nos interlocuteurs, par nos choix, légitimes et nécessaires par ailleurs.
Nous sommes ici en pleine discussion de l’honnêteté, de la loyauté, de l’éthique. Et je profite de ce billet pour proposer que l’on cesse de parler d’éthique scientifique, car cette faute du partitif nous conduit à une faute de pensée : il n’y a pas d’éthique scientifique, ou d’honnêteté scientifique. Il y a simplement l’honnêteté, l’éthique, et les règles sont les mêmes partout. On peut parler d’éthique des scientifiques, ou d’honnêteté des scientifiques, mais si l’on y regarde de plus près, cela n’a rien de particulier. L’honnêteté est l’honnêteté, et même si des individus tordus veulent s’amuser à discuter à l’infini de cette notion, même si certains la relativisent, il n’empêche que la conformité des paroles aux faits reste essentielle, et que l’honnêteté n’est pas rien.
Cessons de tourner autour du pot, et soyons honnêtes de toutes nos fibres. Je ne dis pas que c’est simple, car la vie est dure, et nous avons souvent besoin de petits arrangements. Comme quand nous disons aimer le chocolat, au prétexte qu’il contient du magnésium… alors que le chocolat est quasi exclusivement composé de sucre et de graisse. Ou comme quand nous faisons une tâche simple avant de nous lancer dans une tâche plus compliquée. Comme quand nous repoussons à plus tard un travail que nous savons difficile… Tout cela est humain, et c’est une sorte de mauvaise foi qui nous aide à vivre… mais on conviendra qu’il y a un fossé, entre cela et la malhonnêteté.